Le
Pakistan est l'un des
deux États issus, avec l'Inde, de la disparition de l'Empire
colonial britannique en Inde en 1947. Pour la période
antérieure à 1885
Le
gouvernement britannique exerce directement le pouvoir en Inde
à compter de la révolte des Cipayes de 1857 en
révoquant les prérogatives de la Compagnie des
Indes Orientales qui en était investie depuis 1756.
Créé en 1885, le parti du Congrès
représente l'immense majorité hindoue. En
réaction, la Ligue musulmane
(All-India Muslim League) est
créée en 1906 en vue de la
préservation des intérêts de la
minorité. En dépit du nombre vertigineux de
conversions à l'Islam, les musulmans peinent en effet
à combattre la position dominante des hindous dans
l'industrie, l'artisanat, l'éducation ou la fonction
publique. Si le Congrès et la Ligue musulmane ont le
même objectif d'accession à
l'indépendance, ils ne peuvent s'entendre sur une formule
permettant la protection des droits politique, économiques
et religieux des musulmans.
Le
nom Pakistan a une origine discutée. Il
signifie « le pays des purs » en
ourdou (pak, pur et stan, pays)
mais pourrait aussi provenir de l'acronyme composé
à partir du nom des provinces : Penjab,
Afgania, Kashmir,
Indus-Sind
et BalouchisTaN.
Attribuée
à Syed Ahmad Khan
(1817-1898), homme politique musulman, ancien magistrat et
créateur d'écoles et d'universités,
l'idée d'un État séparé est
formalisée par le poète et philosophe Allama Muhammad Iqbal (1887-1938)
au cours d'un discours à la session annuelle de la Ligue
musulmane en 1930 tenue à Allahabad. Le 23 mars 1940
à Lahore, la création d'un État
séparé devient la position officielle de la Ligue
musulmane, qui est présidée par Muhammad Ali
Jinnah. Elle s'exprime dans ce qui sera appelée la Déclaration de Lahore.
La
naissance du Pakistan
Muhammad
Ali Jinnah
La
Seconde Guerre mondiale constitue un levier pour les nationalistes
indiens, face à un gouvernement anglais qui souhaite la
coopération indienne pendant le conflit. Gandhi et le
Congrès lancent le mouvement Quit India
auquel la Ligue musulmane ne s'associe pas formellement. Une
période de violence incontrôlée s'ouvre
en Inde, attisée par la terrible répression du
mouvement de désobéissance civile de Gandhi et
aggravée par une catastrophique famine qui fera deux
à trois millions de morts au Bengale en 1943.
Partition
et indépendance
Décidés
à quitter l'Inde depuis 1945, les Britanniques sont
confrontés en 1946 à la multiplication de heurts sanglants entre la
communauté musulmane, d'une part, et les
communautés sikh et hindoue, d'autre part. La Ligue
musulmane, qui continue de réclamer la création
d'un État distinct dans les zones à
majorité musulmane, remporte la plupart des circonscriptions
musulmanes aux élections de 1946. Les Britanniques se
décident en faveur de la partition du pays,
malgré l'opposition de Nehru et de Gandhi. En vertu de l'Indian
Independence Act voté par le parlement anglais et
entré en vigueur le 15 août 1947, le transfert de
souveraineté s'accomplit de manière
séparée pour l'Inde et le nouvel État
du Pakistan le 15 août 1947 à 00h00. Le Pakistan
comme l'Inde deviennent des États indépendants,
membres du Commonwealth.
Le
nouvel État est immédiatement divisé
en deux régions distinctes, distantes de
1 700 km : le Pakistan oriental, qui
deviendra le Bangladesh, et le Pakistan occidental composé
du Sind, du Panjâb occidental,
du Baloutchistan, des provinces
frontalières du Nord-Ouest et d'un certain
nombre de petits États.
La
partition avec l'Inde entraîne de gigantesques
déplacements de population. Plus de six millions de
musulmans indiens se réfugient dans le nouvel
état pendant qu'un nombre approximativement égal
d'hindous et de sikhs quittent le Panjâb pour l'Inde sur fond
de violences et de massacres qui font plus de 500 000
victimes. La question communautaire ne sera d'ailleurs pas
réglée par ces exodes, un tiers des musulmans
continuant à vivre en Inde.
Élaboration
de l'État et question du Cachemire
Muhammad
Ali Jinnah, appelé Qaid-i-Azam (Lumière
de la Nation), devient Gouverneur
général du nouvel État, son Premier
ministre est Liaquat Ali Khan.
Le Pakistan démarre sa vie nationale sans fonctionnaires
qualifiés et sans infrastructure administrative dans la
capitale improvisée de Karachi. Il faut pourtant prendre en
charge les réfugiés, mettre en route une
économie autonome, instituer et entraîner une
armée dans un pays géographiquement
éclaté.
Parallèlement,
le dirigeant hindou du Jammu-et-Cachemire, le
mahârâja Hari Singh, de la dynastie
Dogrâ, demande l'assistance de l'armée
indienne : le petit État fait l'objet d'incursions
de tribus pathanes venues du Pakistan et appuyées par une
partie de la population locale. Le mahârâja
décide, le 26 octobre 1947, de se rattacher à
l'Inde alors que 78 % de ses sujets sont musulmans. Le Pakistan
n'accepte pas cette décision qui marque le début
d'un enchaînement de conflits
indo-pakistanais alors que l'Inde occupe les deux-tiers du
Cachemire. Un cessez-le feu est négocié sous
l'égide de l'ONU, il entre en vigueur le 1er janvier
1949. La proposition de l'ONU d'organiser un
référendum reste vaine. Une ligne de
démarcation temporaire est adoptée,
appelée « ligne de
contrôle » ou LOC (Line of Control) :
les deux-tiers du Cachemire forment l'État
fédéré indien du Jammu-et-Cachemire
(capitale Srinagar) ;
le Pakistan administre le dernier tiers, qui prend le nom d'Azad
Cachemire (« Cachemire libre »,
capitale Muzaffarabad) et
les Territoires du Nord
(capitale Gilgit).
La
tentative démocratique (1947-1958)
D'emblée,
le pays souffre d'instabilité au plan politique et est
confronté à de grandes difficultés
économiques. Jinnah meurt en 1948 et le Premier ministre
Liaqat Ali Khan est assassiné le 16 octobre 1951 par un
fanatique afghan. Le pays souffre d'une absence de leaders que ni les
Premiers ministres Nazimuddin (1951-1953) et Muhammad Ali (1953-1955),
ni le Gouverneur général Ghulam Muhammad
(1951-55), ne parviennent à combler.
Un
fort mécontentement gagne le Pakistan oriental, qui se sent
peu pris en compte par un gouvernement fédéral
géographiquement très
éloigné. La Ligue musulmane y essuie des
débâcles électorales, notamment en
1954 : de nouvelles élections sont
organisées qui conduisent en 1955 à une nouvelle
Assemblée nationale qui n'est plus dominée par la
Ligue musulmane. Chaudhri Muhammad Ali devient Premier ministre et
Iskander Mirza Gouverneur général du pays.
L'Assemblée élabore une nouvelle Constitution.
Le
Pakistan devient la première république islamique
au monde après la promulgation de cette Constitution le 23
mars 1956 et Mirza est élu président à
titre provisoire. Mais l'instabilité politique demeure en
l'absence d'une majorité nette à
l'Assemblée qui entraîne de fréquents
changements de gouvernement, instabilité qui se nourrit
également d'une corruption
généralisée du milieu politique et de
la persistance de conditions économiques
précaires, en dépit de l'aide internationale.
Face
à l'impossibilité de réduire
l'agitation au Pakistan oriental, le président Mirza se
tourne vers le général Muhammad Ayub Khan,
commandant en chef des forces armées. Le 8 octobre 1958,
Mirza abroge la Constitution et proclame la loi martiale.
Loi
des armes et création du Bangladesh (1958-1972)
Le
régime Ayub
Vingt
jours plus tard, les militaires contraignent le président
Mirza à l'exil et le général Muhammad
Ayub Khan prend le contrôle de la dictature militaire. Un
important train de réformes est engagé :
réforme agraire (9 000 km² redistribués
à 150 000 fermiers), plan de développement
économique, restrictions sur la polygamie et le divorce et,
en 1962, une nouvelle Constitution qui institue notamment deux langues
officielles, le bengali et l'ourdou. Islamabad devient la capitale
nationale et Dhâkâ, au Pakistan oriental, la
capitale législative.
Les
troubles persistent au Pakistan oriental où la Ligue Awami
fédère les mécontentements au
détriment de la Ligue musulmane. En dépit de
quelques avancées diplomatiques, les relations avec l'Inde
sont toujours exécrables, en partie à cause de la
question du Cachemire et en partie en raison des conflits
communautaires qui continuent de déchirer
l'Inde, notamment dans le Madhya Pradesh où plusieurs
milliers de musulmans sont massacrés en 1961. Les relations
avec l'Afghanistan se dégradent aussi entre 1961 et 1963
après une série d'incidents frontaliers,
attisés par l'URSS qui souhaite la création d'un
Pushtunistan indépendant.
Après
un épisode de guerre ouverte en 1965 au Cachemire, le
président Ayub Khan et le Premier ministre indien Lal
Bahadur Shastri s'accordent en 1966 dans la Déclaration
de Tachkent, sous les auspices de l'Union
soviétique, quoique le problème du Cachemire ne
soit pas résolu. Zulfikar Ali Bhutto démissionne
de son poste de ministre des Affaires étrangères
et s'oppose à Ayub Khan et à l'abandon du
Cachemire. Il est à l'origine du
« Pakistan Peoples Party » (Parti
des peuples pakistanais), connu sous le nom de PPP et proche de la
philosophie socialiste.
Le
président Ayub Khan démissionne en mars 1969
après de terribles émeutes internes à
la fin de l'année 1968 et transmet le pouvoir au
général Muhammad Yahya Khan qui
décrète à nouveau la loi martiale.
Guerre
civile et création du Bangladesh
Aux
élections de 1970, la Ligue Awami de Sheikh Mujib-ur-Rahman
remporte un écrasant succès en s'emparant de 153
des 163 sièges attribués au Pakistan oriental,
cependant que le PPP de Bhutto domine le reste de
l'Assemblée. L'entrée en session de la nouvelle
Assemblée Nationale est repoussée deux fois par
Yahya qui finit par annuler les résultats des
élections. La Ligue Awami est interdite et,
accusée de trahison, Sheikh Mujib-ur-Rahman est
incarcéré au Pakistan occidental.
Sous
le nom de Bangladesh, le Pakistan oriental déclare alors son
indépendance le 26 mars 1971. Il se voit imposer la loi
martiale et est occupé par l'armée pakistanaise.
La guerre civile éclate : 10 millions de
réfugiés se précipitent en Inde, des
centaines de milliers de civils sont tués. L'Inde soutient
le Bangladesh et envoie des troupes le 3 décembre 1971.
Après une guerre de quinze jours, qui est la
troisième guerre entre les deux pays, les troupes
pakistanaises se rendent le 16 décembre 1971 et un
cessez-le-feu est décrété sur tous les
fronts. Un accord signé à Shimla en juillet 1972
permettra d'apaiser les tensions. Sheikh Mujib-ur-Rahman est
libéré et autorisé à
rentrer au Bangladesh. Le Pakistan reconnaîtra le Bangladesh
en 1974.
Ali
Bhutto (1972-1977)
Zulfikar
Bhutto
Dès
1972, Bhutto entame un vaste programme de nationalisations portant
notamment sur les industries de base et met en œuvre une
ambitieuse réforme agraire. Toutes les banques sont
nationalisées le 1er janvier
1974. Les militaires sont retirés des postes
décisionnaires politiques mais, en signe d'apaisement, le
budget de la Défense est porté à 6 %
du PIB. Les mécontentements surgissent pourtant :
les chefs d'entreprises ressentent durement les
nationalisations ; les religieux n'acceptent pas cette
politique socialiste.
Neuf
importants partis d'opposition font alliance contre le PPP sous le nom
de « Pakistan National Alliance »
(Alliance nationale du Pakistan) ou PNA. Aux élections
générales de 1977, les secondes de l'histoire du
Pakistan, le PPP l'emporte cependant largement, avec 150
sièges sur 200. Le PNA conteste violemment ces
résultats marqués, selon lui, par la fraude et
les pressions. Des manifestations et des émeutes sont
déclenchées dans le pays.
Face
à ce blocage et affirmant ne pouvoir choisir une autre
solution, le général Muhammad Zia-ul-Haq
décide d'imposer la loi martiale au pays le 5 juillet 1977.
Le
régime militaire Zia (1977-1988)
Processus
d'islamisation
Bhutto
est arrêté, jugé et condamné
à mort pour le prétendu meurtre du
père d'un des dissidents du PPP. Après avoir
promis des élections pendant plusieurs mois, le
général Zia annonce finalement en 1979 la
dissolution des partis politiques. Bhutto est
exécuté par pendaison le 4 avril 1979.
Zia
entame une véritable islamisation du pays. Progressivement,
différentes taxes d'origine religieuse sont introduites,
à l'exemple de la zakât (zakāʰ,
زَكَاة), aumône obligatoire instituée par le
Coran. Une cour fédérale de la Chariah est
créée pour statuer sur les affaires selon les
préceptes du Coran et de la Sunna. Les blasphèmes
contre Mahomet sont punis de mort et non plus de la prison à
vie. Une Majlis-i-Shoora remplace
l'Assemblée Nationale en 1980, perdant ses fonctions
législatives pour devenir une assemblée de
conseil du Président. L'arabe et les études
islamiques deviennent des matières obligatoires dans la
plupart des enseignements supérieurs. Les médias
sont également visés par ce processus avec
l'instauration de journaux télévisés
en arabe, des présentatrices contraintes de couvrir leur
tête, et la diffusion de l'Adhan à la radio et
à la télévision pour appeler aux
prières. Dans l'armée, les théologiens
obtiennent le grade d'officier afin d'attirer les meilleurs
éléments des universités et des
institutions religieuses. Ces initiatives de Zia en faveur d'une
islamisation du pays ont un impact à long terme. La taxe
zakat est toujours en vigueur ainsi qu'un grand nombre d'autres textes.
Les
partis du centre et de gauche, sous l'impulsion du PPP,
créent le Mouvement pour la restauration de la
démocratie (« Movement for Restoration of
Democracy »), ou MRD, le 6 février 1981.
Le MRD réclame la fin de la loi martiale, de nouvelles
élections et le retour à la Constitution de 1973.
En 1984, Zia lance un référendum national sur la
question de l'islamisation du pays en posant une question juridiquement
complexe : elle revient en fait à demander s'il est
souhaitable que le Pakistan soit un état islamique, et en
cas de vote affirmatif place Zia en position de président de
la République du Pakistan pour 5 ans. Le
mécanisme est donc proche d'un véritable
plébiscite. Le référendum se tient en
décembre 1984 et voit la victoire du oui, malgré
le boycott du MRD.
Restauration
d'un ordre constitutionnel
Les
élections de 1985, également
boycottées par le MRD, permettent la restauration d'une
Assemblée nationale dotée de pouvoirs
législatif, le président Zia-ul-Haq nomme
Muhammad Khan Junejo Premier ministre le 20 mars 1985. La loi martiale
est levée. En dépit d'efforts sensibles, Junejo
ne parvient pas à réformer la conduite de
l'État compte tenu de l'emprise de Zia dont il tente
vainement de se détacher. Passé au
Sénat le 14 novembre 1985, le 8ème amendement
à la Constitution donne en effet au président le
droit de nommer le Premier ministre, les gouverneurs de provinces, les
hauts magistrats. Il peut demander au Premier ministre d'obtenir un
vote de confiance de l'Assemblée et nommer un gouvernement
par intérim. Le pouvoir le plus controversé du
président est celui discrétionnaire de dissoudre
l'Assemblée nationale. Ces modifications changent
radicalement la nature du régime ; de nature
parlementaire, il devient présidentiel.
Les
tensions sur la question afghane s'accumulent entre le
président Zia et le Premier ministre Junejo. En 1979, quand
les forces soviétiques avaient envahi l'Afghanistan, Zia
s'était posé en rempart contre le communisme et
le pays fit face à un afflux massif de
réfugiés afghans. Les États-Unis
avaient répondu à l'invasion
soviétique en accordant d'énormes aides,
financières et matérielles, au régime
anti-communiste afghan et aux moudjahidinnes mais aussi au
bénéfice du Pakistan lui-même,
profitant du statut de « Most Favored Nation »,
dont l'armée devient mieux équipée.
L'évolution démocratique du régime
s'explique d'ailleurs sans doute par les pressions
américaines accompagnant le versement des aides. Cependant,
l'exode massif des civils afghans au Pakistan entraîne de
terribles difficultés pour un pays à
l'économie précaire et à
l'organisation politique instable. Junejo tente de dégager
un consensus national, en consultant l'ensemble des forces politiques
pakistanaises, y compris Benazir Bhutto qui a
succédé à son père
à la tête du PPP. Cette démarche est
désapprouvée par Zia. Le gouvernement Junejo
chute au premier prétexte, après avoir
essayé de lancer une enquête sur le fiasco
militaire de Camp Ojheri près d'Islamabad du 10 avril 1988,
qui entraîna la mort d'un très grand nombre de
civils. Le général Zia utilise son pouvoir
constitutionnel au motif que le gouvernement Junejo ne peut plus
fonctionner conformément à la Constitution compte
tenu du degré des désordres judiciaires et
publiques. L'ensemble des assemblées
fédérales et provinciales sont
également dissoutes, avec leurs directions.
Un
coup de théâtre bouleverse cependant le paysage
politique : le 17 août 1988, l'avion transportant le
président Zia, l'ambassadeur américain Arnold
Raphael, le général américain Herbert
Wassom et vingt-huit officiers pakistanais s'écrase
après une visite sur une base militaire.
Conformément à la Constitution, le
président du Sénat, Ghulam Ishaq Khan, est
investi des pouvoirs par intérim et annonce la tenue
d'élections pour novembre 1988.
Une
démocratie incertaine (1988-1999)
Benazir
Bhutto (1988)
Le
PPP remporte les élections de novembre 1988, sans
bénéficier cependant d'une majorité
absolue. Grâce à l'appui de petits partis, Benazir
Bhutto est nommée Premier ministre. C'est la
première femme d'un État islamique à
exercer cette responsabilité. En dépit d'une
forte légitimité populaire, Bhutto est
confrontée à de nombreuses
difficultés : troubles violents inter-ethniques
dans les régions, persistence des problèmes
liées à l'occupation soviétique en
Afghanistan, tensions continues avec l'Inde qui peinent à se
résoudre diplomatiquement. Les militaires
hésitent à soutenir un régime qui a
toute l'apparence de la corruption et de l'inefficacité. La
coalition gouvernementale se délite, les petits partis
votent une motion de défiance, et un conflit
éclate entre le président Ishaq Khan et son
Premier ministre au sujet des nominations des militaires de haut rang
et des hauts magistrats. Le 6 août 1990, le
président Ghulan Ishaq Kan limoge Bhutto et ses ministres,
et dissout l'Assemblée nationale et les
assemblées de province.
Mian
Muhammad Nawaz Sharif (1990)
Les
élections de novembre 1990 voient la victoire de la
coalition menée par Mian Muhammad Nawaz Sharif, ancien
ministre en chef du Panjâb
et leader de l'Islamic Democratic Alliance, ou IJI
(Alliance démocartique islamique). L'IJI dispose d'une
majorité des trois-quarts à
l'Assemblée nationale, contrôle les quatre
parlements de province et bénéficie à
la fois du soutien des militaires et du président Ishaq
Khan. Sharif met en œuvre un programme de privatisation, de
dérégulation et d'encouragement au secteur
privé et à l'investissement étranger
pour stimuler la croissance. Les effets de ce programme sont cependant
diminués par la réduction drastique de l'aide
américaine en vertu du Pressler Amendment,
qui a pour objet d'empêcher la poursuite du projet d'armement
nucléaire pakistanais. Parallèlement à
l'action gouvernementale de modernisation de l'économie, le
parlement approuve en mai 1991 un projet de loi renforçant
le statut de la charia (šarīʿaʰ, charî‘a
شَرِيعَة) dans le pays. La coalition gouvernementale ne parvient
cependant pas à concilier les objectifs contradictoires des
partis qui la composent, des accusations de corruption sont
lancées contre le premier ministre Sharif. Celui-ci est
limogé par le président Ishaq Khan en avril 1993
pour mauvaise administration, corruption et népotisme. La
cour suprême casse cette décision en mai 1993 et
rétablit Sharif et son gouvernement. La crise se
résout par la démission des deux hommes le 18
juillet 1993.
Retour
de Benazir Bhutto (1993)
Le
pays connaît un court interim avec le gouvernement de Moin
Qureshi, ancien vice-président de la Banque Mondiale, qui
réussit à adopter en très peu de temps
un train de réformes économiques et sociales qui
font l'admiration de la communauté internationale et sont
fortement soutenues au plan interne.
Les
élections de l'automne ramènent Benazir Bhutto au
poste de Premier ministre le 19 octobre 1993 avec le soutien d'une
nouvelle coalition gouvernementale, plus fragile encore que la
précédente en raison du nécessaire
soutien de plusieurs petits partis indépendants. Ce retour
du PPP au premier rang est encore renforcé par
l'élection de Farooq Leghari, proche de Bhutto, au poste de
président. Cette majorité est cependant
puissamment combattue par le parti de Nawaz Sharif - qui lance
plusieurs grèves générales dans le
pays - et rapidement discréditée par une
administration provinciale incertaine. En 1995, une quarantaine
d'officiers sont arrêtés, accusés de
préparer une révolution islamique. Au plan
international, Bhutto parvient à se rapprocher des
États-Unis mais la poursuite du programme
d'expérimentation nucléaire avive les tensions
avec l'Inde. Bhutto est à nouveau limogée en
1996 : le président Leghari lui reproche des faits
de corruption et une mauvaise gestion économique.
Retour
de Nawaz Sharif (1997)
Le
parti de Nawaz Sharif remporte largement les élections de
février 1997, il obtient une majorité des
deux-tiers à l'Assemblée nationale. Sharif
s'attache dès mars 1997 à amoindrir le
8ème amendement de la Constitution, arme formidable du
président lui permettant de démettre des
gouvernements élus et de nommer aux hauts emplois
militaires. La cour suprême bloque ces initiatives, elle
relance une enquête pour corruption contre le Premier
ministre. La réforme provoque finalement la chute du
président Leghari, qui démissionne en
décembre 1997, et la révocation du
président de la cour suprême. Muhammad Rafiq
Tarar, proche de Sharif, est élu président en
1998. L'expression des droits politiques est progressivement
restreinte. Une campagne de dénigrement est
lancée contre les opposants au régime, la presse
est muselée, des journalistes réputés
sont arrêtés et battus. Sur le plan international,
l'Inde procède à cinq explosions
nucléaires souterraines en mai 1998 qui provoque en
réponse une série de tests nucléaires
au Pakistan, dans le Balouchistan. Les États-Unis imposent
des sanctions économiques aux deux États. Un
nouveau conflit avec l'Inde au sujet du Cachemire éclate
à l'été 1999. Des combattants
cashmiris, appuyé par les troupes pakistaises, lancent une
série de raids victorieux près de la ville de
Kargil. Après des semaines de combats, les combattants
finissent par se retirer du territoire sous contrôle indien
en août 1999. Le 12 octobre 1999, après que Sharif
tente de limoger le général Pervez Musharraf,
chef d'état-major des armées, un coup
d'État militaire mené par ce dernier chasse le
Premier ministre et suspend la Constitution : le terme loi
martiale n'est pas employé mais c'est bien une nouvelle
période de domination militaire qui commence.
Le
régime de Pervez Musharraf (depuis 1999)
Nawaz
Sharif est accusé de trahison puis condamné en
avril 2000 à la prison à vie. La peine sera
commuée en décembre 2000 et Sharif
exilé en Arabie saoudite. Musharraf se proclame
président en juin 2001. Après l'attaque
terroriste du 11 septembre 2001 aux États-Unis,
organisée par le mouvement islamique Al-Qaida, le
gouvernement américain lève les sanctions
économiques contre le Pakistan et l'incite à la
coopération pour lutter contre Ben Laden et le
régime Taliban en Afghanistan. Le rattachement du Pakistan
aux intérêts américains provoque des
émeutes islamistes sévèrement
réprimées, notamment en bordure de
frontière afghane, où vit une forte
communauté de réfugiés. En janvier
2002, Musharraf critique l'extrémisme religieux et ses
effets sur la société pakistanaise ; il
décide de ne plus tolérer aucun groupe
engagé dans le terrorisme. Un plébiscite tenu en
avril 2002 légitime sa position pour 5 ans à la
tête du pays, quoique la sincérité du
scrutin ait été sérieusement mise en
doute. Musharraf impose en août 2002 près d'une
trentaine d'amendements à la Constitution qui renforcent son
pouvoir et participent à un affaiblissement de l'opposition.
Les élections d'octobre 2002 sont un succès pour
le PPP de Benazir Bhutto ; le PMLQ (Pakistan Muslim
League-Qaid) qui soutient Musharraf n'arrive qu'en
deuxième position cependant qu'une coalition islamiste
anti-américaine occupe une forte troisième place.
Musharraf fait l'objet de deux tentatives d'assassinats en
décembre 2003, mois au cours duquel il passe un accord avec
les partis islamiques pour revenir partiellement sur les amendements
à la Constitution. L'économie pakistanaise
souffre, notamment dans le secteur de l'exportation de textiles et dans
l'industrie du vêtement, de relations internationales
heurtées et de la perpétuelle agitation politique
interne.
Enjeux
et perspectives d'aujourd'hui
A
l'inverse de son voisin indien, le Pakistan n'a jusqu'à
aujourd'hui jamais réussi à établir un
régime démocratique stable. Depuis la partition
en 1945, l'oligarchie militaire a régulièrement
imposé sa volonté en s'appuyant, parfois de
manière obscure, sur une tendance islamique fondamentaliste,
quand cette tendance n'était pas ouvertement
encouragée, pendant le régime Zia par exemple.
Source
encyclopédie Wikipédia